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EXTRAITS DU LIVRE DE DANIEL JONAH GOLDHAGEN: "LES BOURREAUX VOLONTAIRES DE HITLER"

Voici un extrait de ce dernier ouvrage à propos des "marches de la mort", quand la défaite allemande ne faisait plus aucun doute:

« L’épreuve subie par ces jeunes juives, sur six mois, entre leur départ de Schlesiersee et les premiers soins d’urgence reçus du médecin américain, défie la compréhension, ou semble la défier, à plus d’un titre……Il est vraiment difficile, dans le confort de nos fauteuils, de comprendre la souffrance et les douleurs qu’elles ont endurées, de nous représenter ce qu’a été chaque heure de cette épreuve. Il est aussi difficile de comprendre l’objectif poursuivi par les Allemands dans de telles marches, car jeter des Juifs sur les routes sans destination apparente et les tuer en chemin ne semble pas obéir à la moindre rationalité. »

Un autre extrait expliquant pourquoi les gradés n'avaient aucun raison de craindre une réticence des troupes aux massacres les plus infâmes:

" Les officiers savaient que l'antisémitisme de leurs hommes était suffisamment fort pour que les demandes d'exemption soient rares .... Ils savaient qu'ils ne couraient guère de risques en les laissant sans grand contrôle, voire seuls, dans les "chasses aux Juifs", "nettoyage de ghetto", camps de "travail" ou marches de la mort, et qu'il n'y aurait pas de désertions, même dans les derniers temps de la guerre. Eduard Strauch, l'ancien chef de l'Einsatzkommando 2 parlait au nom de tous dans cette conférence d'avril 1943, à Minsk, où il s'indignait qu'on pût mettre en doute l'ardeur de ses hommes, même si les opérations étaient "dures et déplaisantes": "Nous sommes convaincus que ces tâches doivent être menées à bien. Je peux dire avec orgueil que mes hommes [...] sont fiers d'agir selon leurs convictions et leur fidélité envers le Führer." A tous les niveaux, les acteurs étaient "au diapason" du génocide, et tout le monde le savait, Himmler, Strauche, les officiers, et, sauf exception, tous les Allemands impliqués."

Un autre:

"Pourquoi les tueurs tenaient-ils à ce que leur femme, leur petite amie, voire leurs enfants, connaissent leurs meurtres et leurs cruautés ? Pourquoi se réunissaient-ils pour fêter les grands massacres ? Et s'ils avaient désapprouvé tout cela, pourquoi n'en parlaient-ils pas entre eux ? Pourquoi ne se lamentaient-ils pas entre eux sur leur destin et celui de leurs victimes, pourquoi se vantaient-ils de ce qui était à leurs yeux des exploits ?"

Un autre:

"Dès que l'observation s'attache aux aspects sociaux de la vie de ces hommes, et non plus simplement aux tueries, l'image trompeuse qui veut ne voir en eux que des hommes unidimensionnels , coupés de leurs relations sociales en raison de leur situation particulière, devient difficile à défendre;     Même s'il est difficile de reconstituer complètement ce qu'a été la vie sociale et culturelle des agents de l'Holocauste, l'image irréelle que certains ont voulu donner d'eux, celle d'individus isolés, apeurés, incapables de penser, accomplissant leur tâche avec répugnance, est fausse. Les tueurs allemands, comme d'autres gens, ont constamment fait des choix dans leur manière d'agir, des choix dont le résultat constant a été la souffrance et la mort des Juifs. Ils ont fait ces choix individuellement, comme membres satisfaits d'une communauté approuvant le génocide, pour qui tuer les Juifs était une norme et souvent un exploit à célébrer."

Un autre:

"Des gardiens de camps danois ou italiens auraient-ils traité les travailleurs juifs des camps de la même manière brutale et meurtrière, contraire à la productivité économique ? Des Danois et des Italiens, hommes et femmes, encadrant des colonnes de prisonnières juives squelettiques, malades et mourantes de faim leur auraient-ils refusé vêtements et abris (qui étaient disponibles), les auraient-ils battues sans merci et les auraient-ils privées d'une nourriture qui était elle aussi disponible ? L'idée que des Danois et Italiens ordinaires auraient agi comme ont agi des Allemands ordinaires n'a pas la moindre apparence de plausibilité. De plus elle est démentie par les données historiques. Les Danois ont sauvé les Juifs danois, et, avant cela, ils ont résisté aux autres mesures antisémites imposées par l'occupant allemand. Plus généralement même, les Danois se sont toujours montrés enclins à traiter les Juifs du Danemark comme des êtres humains et des membres de la communauté nationale danoise. Les Italiens, on l'a déjà dit, et même les militaires italiens (en Croatie) ont, dans l'ensemble, désobéi aux ordres de Mussolini de déporter les Juifs parce qu'ils savaient qu'une fois aux mains des Allemands, ils seraient tués. Le refus d'autres peuples de faire ce que les Allemands ont fait prouve que les Allemands n'étaient pas hommes ordinaires, des êtres transhistoriques, loin de toute culture, mais qu'il y avait chez eux quelque chose de particulier, une spécificité de leur héritage politique et culturel, qui gouvernait la vision qu'ils avaient de leurs victimes, si bien qu'ils pouvaient brutaliser et tuer les Juifs, de leur plein gré, avec ardeur même, convaincus de la justice de leur action et de toute l'entreprise."

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